Code national, XIIIᵉ partie contenant la suite du Chapitre VIII Ou supplément aux Tribunaux et à l'Ordre judiciaire |
Sa date tout d'abord : M, DCC, XCII, (1792), année terrible ! Le pays est en guerre. On commence à chanter la Marseillaise. C'est la première Commune de Paris, le Roi est emprisonné, le tribunal révolutionnaire créé, les massacres de septembre ensanglantent la Révolution… Ses pages, encore toutes fraîches, comme si on venait de les ouvrir, surgissent de ce temps-là !
Mais elles consignent aussi une période un peu moins agitée qui commence à la proclamation de la loi martiale (21 octobre 1789) contre les rebelles à la Nation et au Roi (il est encore là !) et se ferme sur le décret en forme d'instruction pour la procédure criminelle (29 septembre 1791) avec un certain nombre de formulaires de procédure, « à trous », très modernes, comme on en utilise encore dans les tribunaux.
Entre ces deux dates, quelques textes, toujours pittoresques, quelquefois essentiels :
- La procédure de levée de d'immunité des députés est votée dès le 27 juin 1790
- Le 17 septembre 1791, les vacances judiciaires sont fixées - du 15 septembre au 15 novembre (pour la chasse et les vendanges ?). Le texte prévoit qu'un « service minimum » est assuré dans les tribunaux, jusqu'à la Cour de Cassation !
- Le 28 février 1791, paraît un décret relatif au "refpect dû aux Juges & à leurs jugemens". Le dernier article du texte (XI) prévoit un large affichage de ses dispositions, ajoutant qu'il sera lu de nouveau, chaque année, aux prônes des paroisses !
Pour la première fois, deux textes, un décret du 5 novembre 1789 et un décret du 2 novembre 1790, définissent un système moderne de publicité des lois et des actes administratifs, par envoi aux tribunaux et corps administratifs. Expéditions authentiques, "en parchemin avec la formule de promulgation, signée du Roi, contresignée par le ministre de la Justice et scellée du sceau de l'État", qui constituent désormais les originaux authentiques des lois. C'est là l'origine du "scellement de la loi", confié au Garde des "sceaux", toujours en vigueur pour les lois constitutionnelles. Les 83 administrations de départements reçoivent copie des textes de l'Assemblée, à charge pour elles de les diffuser aux municipalités. Les commissaires du roi les font enregistrer par les tribunaux de districts dans les trois jours de leur réception, avec "lecture à l'audience et placards affichés". Finies les palinodies de l'enregistrement et des remontrances des Parlements d'antan ! La création du Bulletin des Lois, par décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), prend la suite, en même temps que des publications privées, à caractère plus ou moins officiel, dont le bien connu Moniteur universel. Le Journal Officiel n’apparaît qu'à la fin du XIXème siècle (1868), jusqu'à son édition électronique en 2004, pour répondre à l'injonction du Conseil Constitutionnel de réaliser l'objectif, de valeur constitutionnelle d’accessibilité à la loi.
Aujourd'hui, depuis le début de l'année 2016, plus de Journal officiel papier ! Les textes officiels (le J.O.) sont désormais immédiatement et exclusivement accessibles en ligne, comme auraient pu le rêver nos utopistes révolutionnaires !
On y devine les échos des débats du Comité de législation criminelle, l'influence du marquis de Beccaria, l'humanisme de Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur du projet, hostile à la peine de mort, mais qui votera la mort du Roi, avant de se faire poignarder le jour même, à cause de son vote. Brillat-Savarin, magistrat lui aussi, était au contraire favorable à la peine de mort. C'est lui qui est entendu. L'article 3 du nouveau code est célèbre pour son raccourci : Tout condamné aura la tête tranchée ! Pour sauver sa tête durant ces temps troublés, le même Brillat-Savarin ira faire sonner son Stradivarius au théâtre de New-York, avant de revenir à la cour de cassation écrire des chroniques gastronomiques plutôt que des arrêts !
La prison doit être l'exception. Les peines sont fixes. La réhabilitation du condamné est un objectif. Le prisonnier doit pouvoir travailler. Quelle modernité ! On note au passage une peine insolite, bien vite oubliée : la gêne. Ignorée, même de Wikipédia ! Omission désormais réparée.
La grande ordonnance criminelle de 1670 de Louis XIV, le code d'instruction criminelle de 1810 de Napoléon, sont le laboratoire des idées nouvelles en matière pénale. C'est bien « une autre justice » qui surgit dans ces années-là. « Je définis la Révolution, l'avènement de la loi, la résurrection du droit, la réaction de la justice » écrit Jules Michelet dans son Histoire de la Révolution Française.
La justice nouvelle coupe les ponts avec l'ancienne. Elle met en forme ses rêves, nimbés des Lumières, bientôt éteintes, car les moyens ne seront jamais à la mesure des ambitions, en des temps difficiles... qui durent toujours !
CéCédille
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Sur les codes révolutionnaires :
- Code national ou Recueil de tous les Décrets de l'Assemblée nationale, rangés par ordre de matières. depuis le 4 Mai 1789 jusqu'au 30 Septembre 1791 édité à CAEN chez G. Le Roy, imprimeur des Corps Administratifs, Hotel des Monnoies. On trouve en 1787, chez le même éditeur et dans le même format, un Nouveau manuel épistolaire renfermant par ordre alphabétique des modèles de lettres fur les différents sujets qui fe préfentet dans la vie; avec quelques avis sur le Cérémonial qu'on doit y observer.
- G. Le Roy, imprimeur de la Préfecture est toujours en activité en 1815 comme Imprimeur du Roi (Voir sur Gallica Proclamation du général de Latour-Maubourg annonçant aux Normands l'abdication de Napoléon et le rétablissement des Bourbons & Proclamation : Préfecture Du Calvados du 10 juillet 1815).
- On trouve la collection complète du Code National en 16 volumes à la Médiathèque d'Evreux. Il semble qu'il y ait eu, en effet, de nombreux éditeurs de codes au début de la révolution. Leur publication était laissée à l'initiative privée (Collection Baudouin, Collection du Louvre) avant que le Bulletin des lois ne soit créé (décret du 14 frimaire an II - 4 décembre 1793) et que le Moniteur universel ne s'impose.
- Yann-Arzel Durelle-Marc : Publier : donner à la loi sa vigueur (1789-An II)
- Le scellement des lois depuis 1946, Note du service des archives du Ministère de la Justice
- Isabelle Rouge-Ducos, Lois, décrets et actes originaux des assemblées de 1789 à mai 1940
- Conseil constitutionnel, Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 qui évoque, dans son Considérant n° 13, "l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi".
- Loi organique n° 2015-1712 du 22 décembre 2015 portant dématérialisation du Journal officiel de la République française
- Décret n° 2015-1717 du 22 décembre 2015 relatif à la dématérialisation du Journal officiel de la République française
- Arrêté du 22 décembre 2015 modifiant l'arrêté du 9 octobre 2002 relatif au site internet de Légifrance
- Renée Martinage, Les innovations des constituants en matière de répression, dans le livre de référence sur le sujet : Une autre Justice 1789-1799, Dir. Robert Badinter, 1989, p. 105 et suiv.
- Pierre Lascoumes, Pierrette Poncela, et Pierre Lenoël, Au nom de l’ordre : une histoire politique du code pénal, Paris, Hachette, 1989
- Le débat de 1791 à l'Assemblée nationale constituante sur l'abolition de la peine de mort.
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